Kevser Güngör  

Étudiante au doctorat en études du jeu vidéo à l’Université de Montréal

Cela fait maintenant plusieurs années que je suis obsédée par le même sujet : l’androïde dans la science-fiction. L’idée de dédier ma recherche à la figure de l’androïde m’est venue lorsque je devais choisir mon sujet de mémoire de maîtrise. Ma fascination pour ce personnage, quant à elle, remonte bien à mon adolescence où pour la première fois j’ai visionné le film I.A. Intelligence Artificielle de Steven Spielberg. Le film m’avait tellement bouleversée que, durant les semaines suivantes, j’avais passé mon temps à réfléchir au sens profond caché dans le récit, à tenter d’interpréter le rôle des personnages androïdes, à me creuser la tête pour saisir le sens profond d’une question sans réelle réponse : qu’est-ce que c’est que d’être humain? Peut-être même que ma fascination remonterait à plus loin encore, à mon enfance, où je regardais avec mon père ses dessins animés japonais préférés des années 80, peuplés de robots, cyborgs et androïdes. En 2018, j’ai donc pris la décision d’écrire mon mémoire de maîtrise en études anglophones sur l’androïde. J’avais remarqué que, durant les trois années précédentes, il y avait eu comme une recrudescence de l’androïde dans l’imaginaire collectif avec la série Westworld qui avait débuté en 2016, le jeu vidéo Nier : Automata et le film Blade Runner 2049 sortis en 2017, et le jeu vidéo Detroit: Become Human en 2018. Ce mémoire fut l’occasion pour moi d’ajouter les cordes des études cinématographiques et vidéoludiques à mon arc. Mais je n’avais certainement pas fini d’écrire sur l’androïde.

J’ai donc poursuivi mon obsession avec ma thèse de doctorat. Intitulée « (Re)devenir humain : l’androïde, figure intermédiale et outil de (re)conquête ontologique dans les formes contemporaines de (science-)fiction », elle constitue une opportunité d’assouvir mon besoin de saisir la complexité de l’androïde sous toutes ses facettes. Mon corpus comprend des œuvres issues aussi bien de la littérature, du cinéma, que de séries TV et de jeux vidéo, ayant pour personnages centraux des androïdes. L’un de mes buts principaux est de prouver l’intermédialité inerrante à la figure de l’androïde en plus d’explorer sa valeur philosophique. Aujourd’hui, je me rends compte davantage que l’androïde résiste à la définition alors même qu’il permettrait de nous définir en tant qu’humain; alors même que moi-même, en tant que chercheuse, j’essaie d’une certaine manière de l’arrêter à une singularité ontologique avec mon interprétation. Je vois plus clairement à présent que la spécificité de l’androïde résiderait en fait dans cette résistance, cette dynamique de l’entre-deux, entretenant les flous et cultivant les paradoxes. C’est dans cette perspective que je vais présenter, à l’occasion du 90e Congrès de l’Acfas, au sein du colloque interuniversitaire francophone d’études ludiques (CIFEL), la recherche que je mène actuellement sur l’androïde qui porte en particulier sur sa représentation dans le jeu vidéo et l’exploration du concept de « chiralité » que je propose afin de mettre à jour une de ses dualités les plus intrigantes.

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